Chapitre 41
— C’est votre troisième rendez-vous ? Ou déjà le quatrième ?
— Sale fouineuse ! s’exclama Jessica en riant.
Elle toucha ses boucles d’oreille en diamant pour la vingtième fois.
— Mais oui, la rassurai-je. Elles sont toujours là.
J’avais économisé pour lui acheter le pendentif assorti chez Tiffany. La petite boîte bleue caractéristique reposait sur la cheminée couverte de cadeaux.
Je l’avoue : Sinclair m’avait aidée. Il n’aimait pas le concept de Noël, mais l’idée d’offrir un cadeau extravagant à Jessica lui avait plu. C’était la première fois que nous faisions un cadeau à quelqu’un ensemble.
— Tu ressembles à un arbre de Noël bien décoré.
— Tu veux dire que cette robe verte me fait un gros cul ?
— Non, non. Tu es simplement en accord avec les fêtes.
— Tu as trouvé quoi offrir à Sinclair ?
— Oui : je lui ai dit qu’il n’avait pas à désensorceler Jon.
— Si je comprends bien, dit Jessica en essayant de trouver une formulation, Jon ne se souviendra pas qu’il a écrit un livre sur toi.
— Voilà. Ce n’est pas très sympa, mais je ne peux pas seulement penser à ma petite personne dans cette histoire. Des tas de vampires comptent sur moi pour les protéger. Je l’ai enfin compris lorsque j’ai sauvé George des griffes de Laura. Enfin, quelques jours après. Même s’ils l’ignorent, je dois jouer mon rôle. Conclusion : pas de livre sur ma vie.
— Je suppose que si c’est ta vision du rôle de reine, il doit vraiment en être ainsi. Tu es la reine, après tout.
— C’est vrai. Je ne pourrais pas épouser Sinclair et protéger les vampires si je ne l’étais pas. Même à mes oreilles, ça paraît stupide.
— « Stupide » est un peu fort, dit-elle d’un air absent en allongeant ses cils avec du mascara.
— Jon n’est pas supposé rendre son devoir de bio après les vacances de Noël ?
— Si, répondis-je en riant d’un air sadique. Sinclair le rédige à sa place. Et il n’a pas intérêt à refiler tout le boulot à Tina. Il a choisi l’histoire de la vie de Grover Cleveland, un président des États-Unis. Apparemment, il l’a connu personnellement.
Je gloussai. Décidément, c’était la punition parfaite !
— Tu as pu discuter avec Laura ?
— Non. (Soudain, je n’avais plus envie de rire.) Je ne sais pas quoi lui dire sans avoir l’air trop sévère. On espère tous qu’il s’agissait d’un accident. Avec la mère qu’elle a, elle a forcément hérité d’un sale caractère. Et puis, le gars méritait une bonne correction.
— C’est votre conclusion officielle ? Le gars le méritait ?
— Bien sûr que non, rétorquai-je. Mais pour l’instant, je ne peux pas faire mieux. Nick n’avait pas l’air particulièrement bouleversé non plus.
— Son énorme promotion y est peut-être pour quelque chose, admit-elle. On va fêter ça ce soir. L’unité spéciale va être dissolue. Nick va retrouver une activité normale. L’assassin est mort. Et les Scoman vont pouvoir passer un merveilleux Noël en famille.
— En espérant qu’elle arrête un jour de faire des cauchemars.
— C’est ton petit fantôme qui te l’a dit ? Quelle voyeuse, celle-là.
— Hé ! J’ai entendu ! lança Cathie en apparaissant soudain avant de s’éclipser aussitôt pour embêter les gars qui installaient le sapin dans la maison.
De toute façon, ce n’était pas comme s’ils pouvaient l’entendre. Nous étions en retard pour décorer la maison cette année et, par politesse envers Sinclair et Tina, Jessica, Marc et moi n’étions pas allés le chercher. Que Jessica le commande et le fasse livrer avait déjà été source de nombreuses disputes.
Pas la peine de préciser que ces deux-là éviteraient l’aile est de la maison comme la peste jusqu’au Nouvel An.
— Entre mourir ou vivre avec des cauchemars, le choix n’est pas difficile. Même si j’aurais préféré qu’elle n’ait pas à subir tout ça.
— Tu l’as sauvée, je te rappelle. Le méchant de l’histoire est mort. Sans oublier que tu te maries bientôt ! Si tout va bien…
— Quoi ?
— J’en suis presque sûre. Et moi, j’ai enfin une vie sexuelle.
— C’est un miracle de Noël ! m’exclamai-je de façon exagérée. Avec des démons, des vampires et des tueurs en série refroidis.
— Cette fête est vraiment devenue commerciale, acquiesça-t-elle en remettant une couche de rouge à lèvres. Ça te dit de te faufiler jusqu’au sapin pour y poser une croix, tout à l’heure ?
— Il ne vaut mieux pas. Les pauvres, ils ont déjà assez la frousse comme ça !
— C’est mignon, pour des vampires assoiffés de sang !
— Ne m’en parle pas. On verra l’année prochaine. Après tout, s’ils n’entrent pas dans la pièce, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas y mettre une croix.
Elle plaça une étole en cachemire autour de ses épaules anguleuses en riant.
— Excellente remarque. Bon, maintenant sur une échelle de 1 à 10… 1 correspondant à ton petit cul mal fringué et 10 à Halle Berry…
— 9,6. Franchement.
— Tu ne sais vraiment pas mentir, ma fille.
Elle m’embrassa avant de tourner les talons, laissant une marque orange sur ma joue et un parfum de Chanel dans l’air.